Flu1-2 - Fontaine de Héron

Fonction

Appareil permettant une expérience amusante et quelque peu paradoxale illustrant les lois de la statique des fluides.

Description


Le système se compose

  • d'une cuvette C dans laquelle on verse de l'eau,
  • de deux réservoirs A et B contenant de l'eau,
  • d'un tube T1 effilé à sa partie supérieure, ouvert à sa partie inférieure et plongeant dans l'eau de A,
  • d'un tube T2 rempli d'eau et mettant en communication l'eau de C et l'eau de B,
  • d'un tube T3 ne contenant que de l'air et mettant en communication l'atmosphère de A et celle de B.

Si l'extrémité S n'est pas trop élevée on voit l'eau jaillir par l'extrémité effilée S.

Passons à l'explication du phénomène. Nous supposons que les fluides sont au repos dans l'état de la figure (c'est-à-dire qu'il n'y a pas de jet). Les surfaces libres étant planes, il n'y a pas de discontinuité de pressions à la traversée de ces surfaces. À cause de la faible masse volumique de l'air la pression est la même, pratiquement, en tous les points de l'atmosphère commune aux vases A et B. En particulier PQ = PR.

Grâce au tube T2, on reste dans le même liquide en passant de P à R d'où, par application de la loi de la statique des fluides :

PR = PP + (zP-zR) ρ g

(avec ρ la masse volumique de l'eau et g le champ de pesanteur). De même, entre S et Q :

PS = PQ - (zS-zQ) ρ g

D'où, par combinaison de ces relations :

PS = PP + (zP-zR-zS+zQ) ρ g

Si l'on ne tient pas compte de la discontinuité de pression à la traversée de la surface libre en S (on saurait le faire facilement), on aurait à l'équilibre PS = PP (c'est la pression atmosphérique) ; soit :

zS-zP = zQ-zR

Si zS-zP < zQ-zR, l'eau va jaillir : c'est la fontaine de Héron.

Histoire

Héron était Directeur de l'« École Polytechnique » (?) d'Alexandrie vers l'an -133, il fut inventeur de diverses machines (dont l'éolipyle), servant essentiellement à distraire les Grands ou, entre les mains des prêtres, à entretenir une crainte salutaire chez les fidèles. Les Romains virent en Héron le père de la mécanique et lui attribuèrent la paternité de beaucoup d'inventions(?).




Pour compléter, une citation de Jean-Jacques Rousseau (Les Confessions tome III) :

L’abbé de Gouvon m’avait fait présent, il y avait quelques semaines, d’une petite fontaine de Héron fort jolie, et dont j’étais transporté. À force de faire jouer cette fontaine et de parler de notre voyage, nous pensâmes, le sage Bâcle et moi, que l’une pourrait bien servir à l’autre, et le prolonger. Qu’y avait-il dans le monde d’aussi curieux qu’une fontaine de Héron ? Ce principe fut le fondement sur lequel nous bâtîmes l’édifice de notre fortune. Nous devions dans chaque village assembler les paysans autour de notre fontaine, et là les repas et la bonne chère devaient nous tomber avec d’autant plus d’abondance que nous étions persuadés l’un et l’autre que les vivres ne coûtent rien à ceux qui les recueillent, et que, quand ils n’en gorgent pas les passants, c’est pure mauvaise volonté de leur part. Nous n’imaginions partout que festins et noces, comptant que, sans rien débourser que le vent de nos poumons et l’eau de notre fontaine, elle pouvait nous défrayer en Piémont, en Savoie, en France, et par tout le monde.

Je pars avec ma fontaine et mon ami Bâcle, la bourse légèrement garnie, mais le cœur saturé de joie, et ne songeant qu’à jouir de cette ambulante félicité à laquelle j’avais tout à coup borné mes brillants projets.

Je fis cet extravagant voyage presque aussi agréablement toutefois que je m’y étais attendu, mais non pas tout à fait de la même manière ; car bien que notre fontaine amusât quelques moments dans les cabarets les hôtesses et leurs servantes, il n’en fallait pas moins payer en sortant. Mais cela ne nous troublait guère, et nous ne songions à tirer parti tout de bon de cette ressource que quand l’argent viendrait à nous manquer. Un accident nous en évita la peine ; la fontaine se cassa près de Bramant : et il en était temps, car nous sentions, sans oser nous le dire, qu’elle commençait à nous ennuyer. Ce malheur nous rendit plus gais qu’auparavant, et nous rîmes beaucoup de notre étourderie d’avoir oublié que nos habits et nos souliers s’useraient, ou d’avoir cru les renouveler avec le jeu de notre fontaine.