Eln4 - Tubes à rayons X de Crookes

Fonction

Produire des rayons X.

Description

Il s’agit d’ampoules à rayons cathodiques avec anode latérale et cathode sphérique concave (voir Eln2). Les rayons cathodiques sont focalisés sur une anticathode (voir figures).



Anode et anticathode, reliées, sont au même potentiel. La surface émissive de l’anticathode est orientée à 45° de l’axe cathode anticathode, pour une utilisation latérale des rayons X. À cause de la chaleur dégagée par l’impact des électrons sur l’anticathode celle-ci doit être faite d’un métal peu fusible (platine ou mieux tungstène) ; pour les tubes puissants l’anticathode est massive (variante c de Eln2) et doit être parfois refroidie (circulation d’eau).

L’énergie h c/λ d’un photon X (avec λ la longueur d’onde, c la vitesse de la lumière dans le vide, h la constante de Planck) provient de l’énergie cinétique d’un électron m v2/2, qui, elle-même, provient du travail eV de la force électrique appliquée à l’électron (où V désigne la tension entre anode et cathode et e la charge de l’électron) :


d'où :


Pour V = 4.104 volts, on trouve λm = 3.10-9 mètres.

La forme de la partie continue du spectre permet une détermination précise de λm, ce fait a été à la base d’une détermination de la constante de Planck. Au spectre continu se superpose un spectre de raies caractéristiques des atomes de l’anticathode. Ces raies correspondent aux transitions des plus bas niveaux électroniques de ces atomes, et sont semblables pour tous les atomes. D’un atome à l’autre les fréquences f des raies homologues obéissent à la loi de Moseley : f est proportionnelle au carré du numéro atomique Z (en première approximation).

Au cours du fonctionnement les molécules résiduelles s’adsorbent sur la paroi, il faut accroître la tension pour faire fonctionner le tube ; il « durcit ». Pour remédier à cet inconvénient, on « remonte » la pression dans le tube à l’aide d’un régulateur (appendice supplémentaire sur le tube).

Le tube de Crookes a fait place au tube Coolidge (qui n’existe pas dans la collection). Le faisceau d’électrons est produit par effet thermique (filament chauffé). Le vide peut (et même doit) être plus « poussé ». Le filament, fragile, doit être soustrait aux forces électriques intenses, par un écran.

Histoire

En 1895, Wilhelem Röntgen (1845-1923) répète les expériences de Lénard (introduction d’une mince feuille métallique sur le trajet des rayons cathodiques). Il promène un écran recouvert de substance fluorescente au voisinage d’un tube de Crookes en fonctionnement, enveloppé de papier noir, et constate une étrange fluorescence découvrant ainsi les rayons X. Il en étudie systématiquement les propriétés et obtient notamment un cliché des os de sa main. Ces découvertes, exposées la veille de Noël 1895, à la société de physique de Berlin, firent sensation ! Il reçut le prix Nobel en 1901.

L’américain William Coolidge (1873-1975) remplace, en 1913, la cathode froide du tube de Crookes par une cathode incandescente en tungstène (Coolidge aurait obtenu le premier filament de tungstène en 1906). Comme pour les rayons cathodiques une controverse s’instaura entre les partisans d’une nature ondulatoire (dont Crookes) et les partisans d’une nature corpusculaire (la mécanique quantique n’existait pas encore !)

Les premiers l’emportèrent lorsque l’allemand Max Von Laüe (1879-1960) proposa d’utiliser la structure périodique des cristaux (hypothèses de Haüy et Bravais) pour diffracter les rayons X comme le font les réseaux en optique. Il vérifia lui-même son hypothèse en 1912, avec ses collaborateurs Friedrich et Knipping : ils obtinrent le premier « diagramme de Laüe ». Le prix Nobel de physique fut attribué à Von Laüe en 1914.

Le duc Maurice de Broglie (1875-1960) découvrit, en 1913, le spectre de raies X, obtint la réflexion sur les plans réticulaires d’un cristal, inventa la méthode du cristal tournant.

L’anglais Sir William Henry Bragg (1862-1942) et son fils William Lawrence Bragg (1890-1971) utilisèrent les rayons X pour étudier qualitativement et quantitativement la structure atomique de nombreux cristaux (confirmation des hypothèses de Haüy et Bravais) et utilisèrent les cristaux pour la spectrographie X et la réalisation de monochromateurs (ils eurent le prix Nobel de physique en 1915). La soudure entre rayons X et rayons ultraviolets (continuité des ondes électromagnétiques) fut réalisée par les français Fernand Holweck (1890-1941 assassiné par les nazis) et Jean Thibaud (1901-1960). Jean Thibaud observa aussi la première annihilation particule-antiparticule : électron, positon.

Henry G.J. Moseley (1888-1915) établit en 1913 la loi qui relie les raies X à la classification périodique.

Le suédois Karl Manne Siegbahn (1886-1978, prix Nobel en 1924) compléta les travaux de Moseley et développa la spectroscopie X. Il mit en évidence la réfraction des rayons X en 1925.

Il faut aussi citer l’anglais Charles Glover Barkla (1877-1944) prix Nobel 1917. La mesure absolue de la longueur d’onde X fut réalisée avec des réseaux optiques sous incidence rasante.

Les applications des rayons X à la médecine furent précoces. L’un des tout premiers et importants radiologues fut Antoine Béclère (1867-1934). Marie Curie (1867-1934) se mit au service de l’armée pendant la guerre 1914-1918. Directrice du service de radiologie de la Croix Rouge, elle fit passer de 1 à 200 le nombre de voitures radiologiques. Elle conduisit elle-même et fit fonctionner avec sa fille Irène (17 ans !) une de ces voitures. Mal protégées à l’époque, elles subirent une importante irradiation dont les effets s’ajoutèrent sans doute aux effets de la radioactivité qu’elles étudièrent.